Le Canard Enchaîné révèle dans son édition du jour que le Ministère de l'éducation nationale (MEN) a lancé début août un appel d'offres (AO) d'un montant de 8.3 millions d'euros, pour la "concession de droits d’usage à titre non exclusif, en mode perpétuel ou en mode locatif, de solutions Microsoft et services associés couvrant les usages des agents des services centraux et déconcentrés des ministères chargé de l’éducation nationale, de la jeunesse, de l’enseignement supérieur, des sports, de la recherche et de l’innovation ainsi que des établissements de formation, d’enseignement et de recherche."
Le CNLL, qui a eu accès aux documents de l'appel d'offre, constate qu'il s'agit bien d'acheter sur étagères plus de 100 références de logiciels microsoft, qui concernent aussi bien les postes clients que les serveurs, et couvrent: les OS, la bureautique, le collaboratif, la gestion des identités, les CMS, les ERP, le CRM, etc.
Interrogé par le Canard, Maître Soufron, avocat qui a conseillé le CNLL sur les dossiers Edunathon et Santénathon, remarque à juste titre que "cet appel d'offres pose problème, car les spécifications techniques d'un marché ne peuvent se référer à une marque ou à un brevet lorsque cela est susceptible de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs".
François Aubriot, membre du CA du CNLL et responsable de la cellule de veille "marchés publics", se désole pour sa part dans l'article que "l'Etat préfère verser des rentes à Microsoft plutôt que de se tourner vers des entreprises françaises parfaitement capables de leur fournir les services demandés et qui, elles, ne pratiquent pas d'optimisation fiscale."
Le CNLL rappelle que, pour toutes les catégories des logiciels mentionnés dans l'appel d'offres, il existe des logiciels libres, souvent portés par des éditeurs français ou européens, qui présentent des fonctionnalités et des performances comparables à celles des logiciels Microsoft, ce qui oblige les administrations à passer par une procédure d'appel d'offres ouverte à tous ces acteurs.
Le CNLL observe enfin que, au niveau de l'enseignement supérieur et de la recherche, cet appel d'offres viole, dans son principe même, l'article 9 de la loi ESR de 2013 qui stipule que "le service public de l'enseignement supérieur met à disposition de ses usagers des services et des ressources pédagogiques numériques. Les logiciels libres sont utilisés en priorité."
En privilégiant (au mépris des règles les plus élémentaires des marchés publics) un acteur non-européen, multirécidiviste condamné pour abus de position dominante et pratiques anticoncurrentielles, le CNLL constate une fois de plus l'écart entre les discours actuels sur la souveraineté numérique et la réalité des marchés publics dans le domaine du numérique. Il appelle encore une fois de ses voeux à ce que le logiciel libre soit pleinement pris en compte à tous les niveaux de l'État et des collectivités territoriales, comme un outil majeur pour renforcer la souveraineté numérique française et européenne.
Sur ce dossier précis, le CNLL et ses partenaires, en relation avec leurs conseils juridiques, entendent donner toutes les suites judiciaires pertinentes.