Le rapport du député Philippe Latombe dans le cadre de la mission d'information parlementaire "souveraineté numérique nationale et européenne" a été publié hier (lundi 12 juillet 2021):
Résultat d'un an de travail et de plus de 80 auditions, il aborde de nombreux sujets (210 pages), et il mérite une lecture approfondie.
On notera parmi les 66 propositions:
Sur le logiciel libre, le rapport propose une avancée très significatives par rapport aux décisions précédentes de l'exécutif (circulaire Ayrault de 2012, loi Lemaire de 2016, citculaire Castex de 2021):
Proposition n° 52 : Imposer au sein de l’administration le recours systématique au logiciel libre, en faisant de l’utilisation de solutions propriétaires une exception.
Hasard funeste du calendrier, cette proposition est très proche de l'article 3 de la la proposition de loi de 1999 du Sénateur Pierre Laffitte, décédé la semaine dernière, qui proposait:
Les services de l'Etat, les collectivités locales et établissements publics ne peuvent utiliser à compter du 1er janvier 2002, sous réserve des dispositions de l'article 4, que des logiciels dont l'usage et la modification sont libres et pour lesquels le code source est disponible.
(Source: https://www.senat.fr/leg/ppl99-117.html)
D'autres propositions dans le rapport sont également alignées avec les prises de position et les propositions du CNLL, ainsi que les attentes de l'association Euclidia qui a été lancée la semaine dernière pour promouvoir et défendre les technologies cloud européennes:
Proposition n° 7 : Intégrer de façon systématique au sein des arbitrages techniques des projets numériques les enjeux ayant trait à la souveraineté numérique, en particulier concernant la protection des données personnelles et la localisation des données en Europe.
Proposition n° 26 : Privilégier, en matière de commande publique, le recours aux solutions d’acteurs technologiques français ou européens.
Proposition n° 30 : Faire évoluer les pratiques et le cadre juridique de la commande publique [Notamment au niveau européen avec un "Small Business Act" européen].
Proposition n° 53 : Imposer au sein de l’administration le recours systématique à des solutions numériques françaises, lorsque leur niveau de performance est satisfaisant pour les usages concernés.
Enfin de nombreuses propositions se place dans un cadre européen et visent à renforcer la souveraineté numérique et l'autonomie stratégique de l'Europe:
Proposition n° 56 : Développer une offre cloud européenne respectant les valeurs du modèle européen.
Proposition n° 57 : Garantir au sein de Gaia-X une gouvernance et une conduite de projets conformes aux ambitions exprimées par ses membres fondateurs afin d’éviter que cette initiative ne devienne un instrument au service de la croissance d’acteurs déjà dominants.
Proposition n° 60 : Renforcer les moyens mis en œuvre dans le cadre des projets importants d’intérêt européen commun (PIEEC) et adopter à chaque reprise des calendriers ambitieux de déploiement.
Proposition n° 61 : Renforcer le recours aux outils de défense économique de l’Union européenne et durcir, le cas échéant, le Règlement 2019/42 du 19 mars 2019 relatif au contrôle des investissements étrangers.
Proposition n° 62 : Intégrer, au sein de la politique de la concurrence de l’Union européenne, les enjeux de souveraineté numérique et d’autonomie stratégique de l’Union.
Proposition n° 63 : Doter l’Europe d’une capacité d’anticipation et de veille sur les technologies numériques.
Proposition n° 64 : Fixer un cap ambitieux d’adoption des différentes initiatives de régulation en cours (DSA, DMA, DGA), pour conserver une crédibilité maximale sur la capacité de l’Union européenne à adopter de façon souple et rapide une régulation du numérique.
Proposition n° 65 : Mettre le numérique au cœur de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre de l’année 2022.
Proposition n° 66 : Investir davantage les instances internationales de régulation de l’Internet et de normalisation des technologies numériques, pour renforcer le poids de la représentation des intérêts français et européens dans le domaine du numérique.
Le CNLL avait été auditionné par la Mission le 1er juin 2021 et se réjouit que les messages clefs qu'il développe depuis 2012 aient été entendus par la Mission.
Il reste à la disposition des parlementaires et de l'exécutif français pour approfondir ces questions, notamment dans le cadre de la présidence française de l'UE en 2022.