Le Cyber Resilience Act de l’Union européenne menace l’avenir du logiciel libre

  • 17 avril 2023
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Paris, le 17 avril 2023 - Pour diffusion immédiate

Le CRA (Cyber Resilience Act) est un projet de directive européenne qui vise à améliorer la cybersécurité des produits et des services numériques dans l’Union européenne (UE). Malheureusement le texte actuellement proposé par la Commission et en cours d’examen au Parlement et au Conseil représente une menace existentielle pour la filière européenne du logiciel libre. C’est ce qui a été mis en évidence depuis la publication du texte par les experts de la filière du logiciel libre (cf. références).

Dans un communiqué commun et une lettre ouverte aux eurodéputés et aux représentants du Conseil de l’Union européenne publiés ce jour, les institutions signataires, représentatives de la communauté des logiciels libres, soulèvent les principaux problèmes avec le CRA, notamment que:

  • Si le CRA est mis en œuvre dans sa rédaction actuelle, cela aura un effet profondément dissuasif sur le développement et l’utilisation des logiciels libres en Europe, ce qui aurait pour effet de compromettre les objectifs de l’UE en matière d’innovation, de souveraineté numérique et de prospérité future.
  • Le CRA ne prend pas en compte les besoins et les perspectives uniques des logiciels libres, notamment en tant que méthodologie moderne utilisée pour créer des logiciels.
  • La communauté des logiciels libres n’a pas été suffisamment consultée lors de l’élaboration du CRA, malgré le fait que les logiciels libres représentent plus de 70% des logiciels intégrés dans les produits numériques en Europe.
  • Il est essentiel qu’à l’avenir, toute législation qui impacte l’industrie européenne du logiciel prenne en compte les besoins et les perspectives uniques des logiciels libres, qui jouent un rôle critique dans l’économie numérique, et représentent environ 100 milliards d’euros d’impact économique en Europe.

Alors que le texte n’est pas encore figé, le CNLL estime qu'il est encore possible de sauver la filière européenne du logiciel libre.

Pour cela, le texte doit impérativement être amendé afin notamment de limiter son application aux produits (matériels et logiciels) et services finis, vendus dans un cadre contractuel de nature commerciale, en excluant sans équivoque le logiciel libre, diffusé sous forme de code source ou de binaires, quelle que soit l’entité qui en réalise le développement (individus, PME, startups, grands groupes…), dès lors qu’aucune relation contractuelle commerciale n’existe entre le ou les auteurs du logiciel et ses utilisateurs.

Pièce-jointe:

Références / voir aussi:

Le texte de la lettre ouverte

Aux membres du Parlement Européen et du Conseil de l’Union Européenne
Aux représentants au Conseil de l’Union européenne,

Nous, soussignés, représentons les principales institutions de gouvernance au sein de la communauté Européenne et mondiale des logiciels open source.

Nous vous écrivons pour exprimer notre préoccupation quant au fait que la grande communauté Open Source n’a pas été consultée lors de l’élaboration de la Loi sur la Cyber-Résilience (CRA) et continue d’être exclue des discussions en cours tout au long des activités de co-législation.

Les logiciels libres (OSS) représentent en Europe plus de 70% des logiciels présents dans les produits contenant des éléments numériques. Cependant, notre communauté n’a pas l’avantage d’une relation établie avec les co-législateurs. Les logiciels et autres artefacts techniques que nous produisons sont sans précédent en termes de contribution à l’industrie de la technologie, ainsi qu’à notre souveraineté numérique et aux avantages économiques associés à plusieurs niveaux. Avec le CRA, plus de 70% des logiciels en Europe sont sur le point d’être réglementés sans consultation.

Comme reconnu dans la stratégie de l’UE en matière de logiciels libres 2020-2023, ces derniers jouent un rôle essentiel dans l’économie numérique, alimentant tout, de l’infrastructure en nuage aux applications mobiles, en passant par les systèmes de transport public. Rien qu’en Europe, nous représentons environ 100 milliards d’euros d’impact économique. Il est donc essentiel que toute législation qui a un impact sur l’industrie du logiciel prenne en compte les besoins et les perspectives uniques des logiciels libres, ainsi que nos méthodologies modernes utilisées pour créer les logiciels.

Nous partageons profondément l’objectif du CRA d’améliorer la cybersécurité des produits et des services numériques dans l’UE, et nous reconnaissons le besoin urgent de protéger les citoyens et les économies en améliorant la sécurité des logiciels.

Cependant, nos voix et notre expertise devraient être écoutées et nous devrions avoir la possibilité d’éclairer les décisions des autorités publiques. Si le CRA est effectivement mis en œuvre tel qu’il est écrit, il aura un effet dissuasif sur le développement de logiciels Open Source en tant qu’effort mondial, avec l’effet net de miner les objectifs exprimés par l’UE en matière d’innovation, de souveraineté numérique et de prospérité future.

À l’avenir, nous vous exhortons à vous engager auprès de la communauté Open Source et à prendre en compte nos préoccupations lorsque vous envisagez la mise en œuvre de la loi sur la cyber-résilience. Plus précisément, à l’avenir, nous vous exhortons à :

  1. Reconnaître les caractéristiques1 uniques des logiciels libres et veiller à ce que la loi sur la cyber-résilience ne nuise pas involontairement à l’écosystème des logiciels libres.
  2. Consulter la communauté Open Source au cours du processus co-législatif.
  3. Veiller à ce que tout développement sous le CRA tienne compte de la diversité des pratiques ouvertes et transparentes de développement des logiciels Open Source.
  4. Mettre en place un mécanisme de dialogue et de collaboration continus entre les institutions Européennes et la communauté Open Source, afin de garantir que la législation et les décisions politiques futures soient pertinentes.

Nous apprécions votre attention à ce sujet et nous sommes impatients de travailler avec vous pour assurer que la loi sur la Cyber-Résilience reflète les préoccupations et les contributions de l’industrie du logiciel tout entière, y compris la communauté open source.

Co-signé par les Directeurs Exécutifs, les Présidents du Conseil d’Administration et les Présidents au nom de leurs organisations respectives :