Lundi 30 novembre 2015, la ministre de l'Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Najat Vallaud-Belkacem, a annoncé la signature d'un partenariat entre Microsoft et son ministère, ainsi qu'un accord cadre avec la société Cisco . Les organisations signatrices de ce communiqué dénoncent une collusion d'intérêts : ce partenariat prévoit de présenter une fois de plus aux élèves un logiciel privateur et des formats fermés comme seuls outils incontournables et par voie de conséquence la dépendance comme modèle à adopter. Tout cela tend à renforcer la position dominante de l'entreprise étasunienne, au détriment des logiciels libres et des formats ouverts, qui pourtant respectent les principes élémentaires de neutralité et d'interopérabilité.
Le texte intégral de l'accord, disponible sur le site de l'Éducation Nationale, présente plusieurs axes, dont la formation des enseignants à la maîtrise des environnements Microsoft en classe, la mise à disposition d'un écosystème Cloud, d'une plateforme de formation à distance. L'apprentissage du code à l'école se fera aussi sous l'égide de l'entreprise étasunienne. C'est donc une véritable mise sous tutelle de l'informatique à l'école, réalisée de plus sans consultation des acteurs de l'éducation, y compris en interne.
Au sein de cet accord, aucune prise en considération du travail des
personnels de terrain, des enseignants, des chercheurs, des étudiants n'a été
prévue par les parties. Ceux-ci, pourtant les plus au fait des besoins des
élèves, de leur administration et des contraintes liées au partage des données
dans leurs établissements, ont accumulé un savoir-faire considérable que
l'accord prévoit purement et simplement d'ignorer pour former
les cadres
et les enseignants aux technologies qu'ils voudraient imposer. De même, l'appel
en faveur des formats ouverts dans l'éducation a été soutenu par des
associations professionnelles d'enseignants, des syndicats, des entreprises,
des individus, mais a été ici mis de côté.
Ce n'est pas la première fois qu'un tel partenariat est signé : déjà en 2005 un accord avait été signé. Mais ce partenariat apparaît d'autant plus navrant qu'il fait suite aux récentes révélations sur l'espionnage facilité par Microsoft et sa politique de collecte d'informations personnelles de l'utilisateur.
Ce partenariat est d'autant plus regrettable qu'il va à l'encontre des
objectifs de l'école, et témoigne d'une absence de volonté politique de
promouvoir la diffusion et l'appropriation par tous de la connaissance et des
savoirs malgré la Circulaire du
Premier ministre concernant l’Usage du logiciel libre dans
l’administration
; la
LOI n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la
refondation de l’école de la République qui stipule notamment :
L’incitation au développement de ressources numériques se fera notamment en
faveur de logiciels libres et de contenus aux formats ouverts.
; la
LOI n°2013-660 du 22 juillet 2013 -Article 9 qui stipule : Le service
public de l’enseignement supérieur met à disposition de ses usagers des
services et des ressources pédagogiques numériques. Les logiciels libres sont
utilisés en priorité
.
Une volonté politique affirmée aurait pourtant pu mettre en avant des solutions en logiciel libre, respectueuses des libertés de chacun, des standards ouverts et de l'interopérabilité qui permettent aux élèves de progresser en informatique sans enfermement technologique. Cette proposition fait d'ailleurs partie des plus soutenues de la consultation sur l'avant projet de loi République Numérique d'Axelle Lemaire. L'école va devenir une fabrique d'inégalité, l'argent servant par la suite de discriminant dans le choix des logiciels et des services.
Fin 2011, François Hollande avait fait de la jeunesse la grande cause
de l'élection présidentielle
Discours à Strasbourg le 22 novembre 2011. Visiblement, une nouvelle fois,
la jeunesse et la formation des esprits ont été sacrifiées au profit d'intérêts
économiques de grandes firmes étasuniennes.
Organisations signataires :
Le Conseil National du Logiciel Libre est l'instance représentative, au niveau national, de l'écosystème professionnel du logiciel libre en France. Le CNLL fédère 12 associations et groupements d'entreprises, et, par leur intermédiaire, plus de 300 entreprises françaises spécialisées ou avec une activité significative dans le logiciel libre - éditeurs et sociétés de services. Le CNLL a pour principale mission d'animer la filiére et de la représenter auprès des pouvoirs publics et des organisations nationales et internationales existantes.